Si nous voulons sortir de la crise, répondre à cette question est indispensable.
Nous pouvons tous nous accorder sur l'importance de poser le bon diagnostic face à la crise sanitaire que nous vivons. Il va de soi qu'une mauvaise analyse la situation ne pourra que mener à un traitement erroné ou insuffisant. Dans ce cas, la crise sanitaire se poursuivra ou reviendra.
A ma connaissance, c’est la philosophe française Barbara STIEGLER (1) qui, en francophonie, a attiré l'attention du "grand public" sur la question de savoir si la crise sanitaire que nous vivons est uniquement sanitaire. En d'autres termes s’agit-il d’une pandémie ou d’une syndémie.
La pandémie (pan- en grec désigne le " tout ") est une épidémie qui touche potentiellement et indifféremment tous les êtres humains.
Quant à la syndémie (syn– signifie en grec « avec »), elle peut se définir comme étant la conjonction de différents éléments de sorte que l'infection a des conséquences graves principalement quand ces différents éléments sont réunis.
Après avoir défini les notions de pandémie et de syndémie, venons-en à examiner si la crise que nous vivons n’est pas en réalité une syndémie (plutôt que seulement une pandémie).
"Le Covid-19 n’est pas une pandémie".
Richard HORTON, le rédacteur en chef du célèbre journal médical britannique THE LANCET a écrit en 2020 :« le Covid-19 n’est pas une pandémie ».
Sans du tout contester que le virus soit un évènement biologique à propagation universelle, Richard HORTON estime que nous vivons non pas seulement une pandémie mais bien une syndémie.
La notion de syndémie (conçue par Merill SINGER en 1990) met en lumière la rupture d’égalité que nous pouvons constater entre les malades atteints du Covid-19.
En effet, nous avons tous entendu combien le coronavirus Covid-19 a des conséquences différentes sur l’état de santé du malade suivant l'âge de ce dernier ainsi qu'en cas d’existence de comorbidité.
Alice DESBIOLLES, médecin de santé publique et épidémiologiste (2) souligne « que les victimes de la pandémie pâtissent d'une interaction entre une maladie infectieuse, des maladies non transmissibles (MNT) et leur âge ».
Cette réputée scientifique constate qu’il serait dès lors "opportun de s’interroger sur l'importance du paradigme médical qui a guidé – et qui guide encore largement – la stratégie pour faire face à la pandémie".
Alice DESBIOLLES écrit que, jusqu’à présent, une « lecture purement bio-médicale de la santé d’une population nous a conduits à considérer que la seule cause de cette épidémie était une maladie infectieuse. L’ensemble des interventions pour y faire face est donc invariablement concentré sur la réduction des transmissions virales ».
Pour rappel, Richard HORTON (rédacteur en chef du LANCET) estime que la crise que nous vivons met en scène non seulement l’infection par un virus mais également un éventail de maladies non transmissibles (comme l’obésité et les pathologies cardiovasculaires et respiratoires) auxquelles le facteur de l’âge peut s’ajouter. C’est la raison pour laquelle Richard HORTON estime que la crise sanitaire créée par l'apparition du Covid-19 n’est pas qu’une pandémie infectieuse.
"Remettre au cœur de la stratégie de gestion de la syndémie cette approche holistique de la santé."
Alice DESBIOLLES insiste elle aussi sur l’importance de désormais « remettre au cœur de la stratégie de gestion de la syndémie cette approche holistique de la santé, laquelle ne peut se résumer à la seule absence ou présence de Covid-19 »
Dans le journal LE MONDE, Philippe-Jean CATINCHI (3) insiste lui sur le fait que la progression du Covid-19 serait notamment « liée aux inégalités sociales et à la crise écologique ».
A la lecture de ce qui précède, vous pourrez constater combien ce concept de syndémie a été développé dans certains médias français (notamment LA CROIX, LES ECHOS, PHILOMAG, LE MONDE, ...). Fort peu en Belgique. En conséquence, il m'apparaissait utile de pouvoir partager avec vous ce concept.
En effet, il va de soi qu'un diagnostic insuffisant (et dès lors erroné) de la crise sanitaire ne peut qu'amener l'humanité à ne pas traiter toutes les causes et, partant, à retarder la sortie de crise.
(1) Barbara STIEGLER est Professeure à l'université Bordeaux-Montaigne et y dirige le Master "Soin, étique et santé" - auteure de « De la démocratie en pandémie » aux éditions Gallimard
(2) Alice DESBIOLLES, médecin de santé publique et épidémiologiste, "Covid-19 : chronique d'une syndémie", LA CROIX, 11 mars 2021
(3) Philippe-Jean CATINCHI, "De la démocratie en pandémie" de Barbara Stiegler : quand le Covid-19 change les règles du jeu, LE MONDE, 3 février 2021
Comments