Dans quel monde vit-on ?
Je ne résiste pas à l'envie de partager avec vous quelques extraits d'une interview donnée par le philosophe français Frédéric GROS (1).
Il a été interrogé dans l'émission "Dans quel monde on vit ?" (2) dont le contenu nous a judicieusement été rappelé il y a quelques heures (3) :
Alors pourquoi se résigne-t-on à l’inacceptable ?
"Il faut arrêter de hisser le spectre de l’anarchie dès qu’on parle de désobéir. On est coupable aussi de ne pas avoir envie de savoir, pour ne pas se sentir responsable. J’essaie de définir une désobéissance sur fond de responsabilité politique." (...)
"Désobéir devient un acte d’humanité"
A partir du moment où on obéit comme des machines, sans vouloir savoir, alors désobéir devient un acte d’humanité.
L’éducation a un grand rôle à jouer dans l’apprentissage de la désobéissance. La capacité à penser par soi-même naît de l’instruction, mais surtout de la confiance. Il ne faut pas avoir peur de la solitude, parce qu’effectivement, il y a un coût à désobéir mais il y a peut-être aussi une récompense par rapport à soi-même, une manière de devenir fier de soi…
Ce coût est très réel. Il est plus facile alors de conjuguer sa désobéissance avec d’autres car ce qui fait peur c’est la désobéissance solitaire.
Ce coût, on se l’exagère aussi parfois en pensant qu’on n’a pas le choix. C’est une manière de se trouver des excuses à soi-même.
Frédéric Gros essaie d’explorer la part monstrueuse de l’obéissance, avec comme exemple la seconde guerre mondiale. "La leçon éthico-politique du totalitarisme a été le procès Eichmann, avec les questions : mais au fond qu’est-ce qui a fait qu’on a pu obéir avec une telle docilité, n’a-t-on pas créé des monstres d’obéissance ? N’y a-t-il pas une dangerosité dans notre docilité, dans notre passivité ?"
Désobéir, c’est interroger son rapport à la liberté
L’expérience de la désobéissance, c’est l’expérience de l’irremplaçable. Car "si je ne suis pas moi, qui le sera à ma place", interrogeait Thoreau, le philosophe et poète américain qui a été le premier à écrire sur la désobéissance civile. Personne ne peut désobéir à notre place, on est les seuls à pouvoir se mettre au service des autres devant les injustices du monde. On a des devoirs envers soi de désobéissance pratique, c’est une manière de se respecter soi-même. Se soucier de soi-même, c’est être unique pour bien se soucier des autres et du monde.
"Appel à s’interroger sur notre propre passivité."
Comme le souligne Fabienne PASAU (3), la réflexion de Frédéric GROS n’est pas un appel à la désobéissance, mais un appel à s’interroger sur notre propre passivité.
Sources
(1) Frédéric GROS est l'auteur de l'ouvrage "Désobéir" (Albin Michel), professeur de pensée politique à SciencesPo et chercheur au CEVIPOV
(2) Emission "Dans quel Monde on vit ?" de Pascal CLAUDE, La Première (RTBF), octobre 2017
(3) Article "Est-il devenu urgent de désobéir ?" écrit par Fabienne PASAU sur le site internet de La Première (RTBF) le 5 octobre 2021
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